
Chaque élection nous le rappelle : le choix d’un mandataire financier n’est pas qu’une simple formalité administrative. Dès lors que l’on brigue un mandat dans une commune de plus de 9 000 habitants, la désignation d’un mandataire est une obligation légale, régie notamment par l’article L.52-4 du Code électoral. Mais au-delà de la contrainte juridique, ce choix doit se faire avec une attention toute particulière : en effet, un mandataire mal préparé ou peu conscient de ses responsabilités peut engager la responsabilité personnelle du candidat et aller jusqu’à compromettre l’issue de sa campagne. Petit tour d’horizon des règles à respecter et des pièges à éviter.
Quand et pourquoi désigner un mandataire ?
Le Code électoral impose la désignation d’un mandataire financier au plus tard à la date à laquelle la candidature est enregistrée, soit généralement le troisième jeudi qui précède le scrutin. Pourtant, le législateur invite à accomplir cette démarche dès six mois avant l’élection, moment à partir duquel le mandataire pourra légalement commencer à recueillir les fonds destinés au financement de la campagne.
En pratique, mieux vaut éviter de s’y prendre à la dernière minute. Une désignation tardive peut entraîner de sérieuses complications : paiements directs du candidat hors du circuit du mandataire, absence de visa d’un expert-comptable au bon moment ou encore difficultés pour retracer l’ensemble des opérations financières. La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) pointe régulièrement ces erreurs, certaines aboutissant à un rejet pur et simple des comptes.
Qui peut être mandataire ?
Deux options se présentent au candidat « tête de liste » dans les communes de plus de 9 000 habitants :
Une personne physique, à condition qu’elle dispose de la capacité civile, qu’elle ne soit pas interdite bancaire et qu’elle ne figure pas sur la liste des colistiers.
Une association de financement électoral, obligatoirement créée spécifiquement pour la campagne. Son objet unique consiste à collecter les fonds et régler les dépenses en lieu et place du candidat.
Dans les deux cas, ni le candidat lui-même, ni ses colistiers, ni l’expert-comptable en charge de la présentation des comptes de campagne ne peuvent endosser les fonctions de mandataire ou occuper un poste de président/trésorier au sein de l’association de financement.
Pourquoi éviter de prendre un colistier comme mandataire ? Simplement parce que la loi l’interdit dans le cadre d’un scrutin de liste : un membre de la liste ne peut pas être responsable de la gestion des fonds de campagne. Et au-delà de la contrainte légale, cette règle vise à garantir la transparence et l’objectivité des flux financiers.
Quelles responsabilités pour le mandataire ?
Le rôle du mandataire ne se limite pas à déposer sa signature en préfecture. Il doit :
Ouvrir un compte bancaire dédié pour la campagne. Toutes les recettes et dépenses de la campagne y sont recensées, sans exception.
Collecter les fonds destinés à financer la campagne, depuis l’ouverture de la période légale (un an ou six mois avant le scrutin, selon le cas) jusqu’au dépôt final du compte de campagne.
Payer l’ensemble des dépenses liées à la propagande et à la communication électorale, qu’elles aient été engagées avant ou après sa désignation, en assurant la traçabilité de chaque opération.
Établir un bilan comptable de toutes les opérations et l’annexer au compte de campagne du candidat.
C’est ensuite le candidat qui reste pleinement responsable de la sincérité et de la régularité du compte final. En cas d’oubli, de manque de justificatifs ou de malversations du mandataire, la sanction peut aller jusqu’à l’inéligibilité du candidat lui-même.
Mandataire individuel ou association : comment trancher ?
La personne physique : plus souple, elle suppose une seule déclaration en préfecture. Si le candidat a toute confiance en un proche capable de tenir les comptes, c’est souvent la solution la plus simple.
L’association de financement électoral : offre l’avantage de mutualiser les compétences et de répartir les tâches (trésorerie, secrétariat, etc.). Si un membre venait à quitter l’association, cette dernière pourrait continuer à fonctionner sans discontinuité. Cependant, la création et la gestion d’une association impliquent des démarches administratives spécifiques (statuts, assemblées générales, etc.).
Comment éviter les erreurs courantes ?
Ne pas déroger à l’obligation de désigner un mandataire : même si la campagne se fait à budget quasi nul ou avec le soutien d’un parti, le candidat tête de liste doit s’y plier.
Ouvrir un compte bancaire distinct de tout autre compte : utiliser un compte personnel ou celui d’une autre structure est formellement proscrit.
Ne jamais payer directement en tant que candidat : tous les flux financiers liés à la campagne doivent transiter par le mandataire.
Vérifier la ponctualité de l’expert-comptable : un visa déposé hors délai peut être fatal pour la validité du compte.
Veiller à la transparence des justificatifs : factures, reçus de dons, relevés bancaires… Toute dépense ou recette doit être documentée sans faille.
Désigner son mandataire financier, c’est à la fois respecter le cadre légal et protéger sa campagne de tout impair. Dans une élection, chaque détail compte : mieux vaut confier cette mission à la bonne personne plutôt que de s’exposer à de douloureuses déconvenues. En prenant le temps de peser le pour et le contre, de vérifier les aptitudes de chacun et de privilégier la confiance, vous vous assurez la tranquillité nécessaire pour mener votre combat électoral sereinement.
Le critère clé : la confiance
Il va sans dire que votre mandataire (ou l’équipe dirigeante d’une association de financement) doit être sélectionné avec soin. Compétence, rigueur et fiabilité sont les maîtres-mots. Car s’il est le premier responsable de la bonne tenue des comptes, le candidat ne pourra pas se décharger sur lui en cas de problème.
Les potentielles conséquences d’une mauvaise gestion sont lourdes : rejet de compte, privation totale ou partielle du remboursement des frais de campagne, voire inéligibilité.
C’est souvent à travers ces précautions prises en amont que l’on reconnaît une campagne bien menée. Alors, à vous de jouer : posez les bonnes questions, prenez les bonnes décisions et offrez-vous la liberté de vous concentrer sur l’essentiel – vos idées et votre programme.